Confession de minuit

Revenant sur la parution de son roman en 1920, Georges Duhamel dira : «Je venais d’entendre parler pour la première fois un personnage de mon invention, compagnon de mes solitudes, et qui me soufflait à l’oreille : Je m’appelle Salavin. Je suis ton ami Salavin, ton triste ami Salavin. ». Duhamel poursuivra le récit de ses aventures avec quatre autres romans. Modeste employé de bureau, Salavin, sur un coup de folie, commet un geste irréparable qui lui coûte sa place et lui vaut d’être assailli de mille pensées inquiètes. Il s’interroge sur sa place dans la société, sur le sens de sa vie au point de sombrer dans le dégoût de lui-même – « Je suis un homme quelconque, un homme insignifiant, oui, oui, insignifiant, confie Salavin…Toutes mes aventures me sont arrivées en dedans. Et vous êtes bien bon de m’écouter, moi qui n’ai rien à vous dire, moi qui ne suis fait qu’avec des riens. ». Pourtant vient de naître le premier anti-héros de la littérature moderne, un personnage touchant, plongé dans la détresse morale devant l’incapacité à changer sa vie et à se fondre dans un monde qu’il ne comprend pas. Salavin est un héros universel qui nous ressemble. Il inspirera de très nombreux écrivains : Meursault, l’Etranger d’Albert Camus, Roquentin et Bardamu, les doubles littéraires de Sartre et Céline sont les frères cadets de Salavin. Ajoutons à cela la propension de Duhamel à l’autodérision et son style simple et élégant. Il faut redécouvrir et réhabiliter ce roman d’une modernité déroutante qui a marqué tant de grands auteurs.